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Qu'est-ce que la permaculture vient faire ici et en quoi a-t-elle à faire avec le numérique ?

La plupart du temps, la permaculture est associée à des techniques de jardinage. C'est en partie vrai mais très réducteur.

En partie vrai seulement car la permaculture n'est pas qu'une technique. Elle applique des techniques, certes, mais s'apparente plutôt à une philosophie.

Et son champ d'action n'est pas que le jardin. Elle peut s'appliquer à n'importe quel système que l'on aurait défini à l'avance, pas seulement réduit au jardin, même si c'est très commun pour une première approche.

Qu'est ce que la permaculture ?

Je vais commencer par donner quelques définitions recueillies ici 1 et là 2.

La permaculture est un système de conception basé sur une éthique et des principes qu'on peut utiliser pour concevoir, mettre en place, gérer et améliorer toutes sortes d'initiatives individuelles, familiales, et collectives en vue d'un avenir durable.

Ou encore 3

La permaculture est l'art d'observer et de recréer des écosystèmes naturels à toutes les échelles.

Je pourrais multiplier les définitions tant il y en a de différentes et de complexes car ce mode de conception du monde, et en particulier ses principes, emprunte beaucoup à la pensée "systémique" et "conceptuelle". Je ne veux pas perdre le lecteur ici, et ce n'est pas l'endroit pour parler en profondeur de la permaculture, mais sachez juste que celle-ci est devenue un sujet d'étude à l'université, pour ses aspects sociologiques, politiques, éducatifs, écologiques ou agricoles. On peut donc s'aventurer loin du jardin et c'est ça que j'y trouve d'intéressant.

Je vais essayer de faire simple et de traduire ce que j'en comprends pour en venir, petit à petit, à la pertinence de la permaculture en informatique.

La permaculture est à considérer plus précisemment en tant que "culture de la permanence" 4. Il s'agit de considérer un système, qui peut être un jardin, une maison, une équipe de personnes, un projet informatique (hé hé, vous me voyez venir) ou la terre entière avec le but de maintenir ce système dans le temps.

Comment faire ?

Il faut se baser sur l'éthique et les principes de la permaculture (détaillés plus loin). Il y a aussi des techniques. Le design, en tant qu'outil de conception, est une technique. Du coup le design permaculturel utilise les mêmes ressorts que le design en général : observation, définition claire du but, recensement des ressources, prototypage etc... et le système considéré est souvent un jardin effectivement dans ce cas.

Les principes et l'éthique permaculturels ont été établis en étudiant les peuples, groupes, animaux, végétaux, phénomènes naturels qui ont su résister le plus longtemps et de manière la plus économe possible à l'épreuve du temps.

En considérant un système, disons une maison, et en y adjoignant un but, par exemple être confortable tout en étant durable et économe en énergie, on se sert des principes permaculturels pour utiliser au mieux l'énergie fournie en entrée de ce système (le soleil via l'orientation des murs, la récupération de l'eau de pluie ...) et perdre le moins possible d'énergie en sortie (réutilisation des eaux usées...). Ainsi le système est quasi autonome et va durer dans le temps en utilisant les productions de certains composants internes au système pour nourrir les besoins des autres.

Lorsque le système est un jardin on englobe des connaissances et stratégies liées à l'agriculture, lorsque c'est un groupe de personnes on appelle cela du management, lorsque c'est une maison l'architecture est à l'oeuvre. Mais la façon et le but avec lesquels on utilise ces connaissances sont de la permaculture.

L'éthique de la permaculture

L'éthique est condensée en trois points dont on vérifiera, sans chercher à les opposer, qu'ils sont bien respectés :

  1. Prendre soin de la terre
  2. Prendre soin de l'humain
  3. Partager équitablement

Pris individuellement, ils questionnent des concepts tels que la propriété, la démographie ou la consommation "raisonable". Je ne détaillerai pas plus car cela nous emmènerait bien trop loin dans les considérations morales.

Les principes de la permaculture

Ils sont au nombre de douze. Je les liste ici car ils sont importants. Leurs applications respectives peuvent être détaillées très longuement tant il y a à en apprendre mais retenez qu'ils constituent les outils conceptuels utiles pour associer vie et éthique de manière pertinente et adaptée dans chaque situation ou contexte.

  1. Observer et intéragir
  2. Collecter et stocker l'énergie
  3. Créer une production
  4. Appliquer l'auto-régulation et accepter la rétroaction
  5. Utiliser et valoriser les services et les ressources renouvelables
  6. Ne pas produire de déchets
  7. Partir des structures d'ensemble pour arriver aux détails
  8. Intégrer plutôt que séparer
  9. Utiliser des solutions à de petites échelles et avec patience
  10. Utiliser et valoriser la diversité
  11. Utiliser les interfaces et valoriser les éléments en bordure
  12. Utiliser le changement et y réagir de manière créative

La permaculture humaine

Ici le système c'est la personne, ou un groupe de personnes.

On se préoccupe de son bien-être, de sa "productivité" (dans cet ordre), de son rapport aux autres, de son évolution etc...

Le design permaculturel dans ce domaine se rapproche du management, du business model 5 voire du bilan de compétence dans le cas d'une seule personne. Attention cependant à bien valider les éthiques pour vraiment parler de permaculture. Je ne parle ici que du design comme méthode de conception transverse.

Prenons un exemple de mise en application des principes pour une équipe : le principe n°10, "utiliser et valoriser la diversité", se traduirait par associer des personnes dont les compétences se complètent bien (en fonction du but choisi) ou par produire de l'intelligence collective lors de sessions d'idéation.

A chaque principe une application et une manière de valoriser le groupe pour le rendre résilient et durable.

La permaculture numérique

Ici le système considéré est le projet informatique, le programme, le produit, le logiciel, l'équipe de développeur, l'application web, le site web, you name it !

Depuis quelques années, après avoir étudié les deux domaines séparément - la permaculture, le numérique - , je me suis demandé comment l'un et l'autre pouvaient intéragir.

Et je n'étais pas le seul.

Il m'apparait pour l'instant que ceux qui se sont déjà penchés sur le sujet, l'abordent de deux manières : le design et l'agilité.

Chez permaculture-numerique.fr tout comme sur le podcast Techologie et particulièrement à la suite de l'épisode 3 sur la "permaculture et l'agilité", j'ai remarqué que ce sont plutôt des personnes du milieu numérique qui, un jour, on approché la permaculture et y ont trouvé des similitudes avec les bonnes pratiques de leur domaine.

Je vous engage à aller les lire sur leur site respectif.

Il est étonnant de constater les similitudes entre les douze principes de la méthode Agile et les douze principes de la permaculture. En particulier, le principe n°4 "Appliquer l'auto-régulation et accepter la rétroaction" est au coeur de ce qu'est l'agilité en informatique.

Quant au design (vu plus haut), il peut s'appliquer de manière transverse à bien des domaines.

Dans mes précédentes fonctions d'intégrateur CSS/HTML j'ai bien vu que les spécifications ou les usages allaient vers de la réutilisation de code (en particulier en CSS), du code atomique, de l'objet et j'y ai trouvé un lointain echo avec le septième principe : "partir des structures d'ensemble pour arriver aux détails". Mais également avec le cinquième "utiliser et valoriser les services et les ressources renouvelables" où l'on valorise le code par le fait qu'un élément peut avoir plusieurs fonctions (comme un classe CSS bien choisie pour un ensemble d'éléments HTML).

Je ne cherche pas à voir de la permaculture partout, mais je trouve très intéressante l'idée qui consiste à faire dialoguer ces deux domaines (je valorise les bordures, principe 11).

Je suis d'ailleurs très conscient que le numérique n'est, globalement, pas une bonne chose pour la Terre (éthique 1). Je pense par exemple à l'extraction des terres rares pour les téléphones portables, à l'énergie folle dépensée pour la technologie de la blockchain, aux pièces jointes énormes envoyées par mail à des listes de diffusion non moins grosses, aux besoins en énergie des fermes de données.

Alors quoi ?

Alors permaculteur n'est pas un métier. On peut cependant être formateur en permaculture, il existe un business autour de cela ; mais tout le monde peut être permaculteur s'il prend conscience de ses choix dans l'application des éthiques et principes permaculturels au sein d'un système qu'il aura choisi (pas forcément un jardin donc hein).

Alors j'aimerais bien transmettre la connaissance de la permaculture à mon petit niveau de connaissance.

Alors, je pense que l'application de la permaculture au sein du numérique peut bénéficier à ce milieu et à ses acteurs tout autant qu'aux autres.

Alors cultivons du logiciel libre, faisons pousser des communs et que les jardiniers-hacker entretiennent les terrains des fablabs par exemple.


Références et renvois

1 Site web de Permaculture principles
2 Permaculture, principes et pistes d'action pour un mode vie soutenable - David Holmgren
3 https://steemit.com/fr/@steemquebec/atelier-conference-la-permaculture-numerique
4 La permaculture, en route pour la transition écologique - Grégory Derville, éditions Terre vivante, page 13
5 Business model nouvelle génération - Alexander Osterwalder & Yves Pigneur, excellent livre utilisant le design pour le business model